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sculptures élastiques

12 Sep

BOUSTROPHEDON#9 : QUELQUES IMAGES DE L'EXPOSITION & UN MAGNIFIQUE TEXTE DE CATHERINE COMPARAT.

Publié par mariemadeleinelacoste

Le Minotaure veille sur le Golem gisant face Aux Racines du Mal, un hommage à Hiéronymus BOSCH
Le Minotaure veille sur le Golem gisant face Aux Racines du Mal, un hommage à Hiéronymus BOSCH
Le Minotaure veille sur le Golem gisant face Aux Racines du Mal, un hommage à Hiéronymus BOSCH
Le Minotaure veille sur le Golem gisant face Aux Racines du Mal, un hommage à Hiéronymus BOSCH
Le Minotaure veille sur le Golem gisant face Aux Racines du Mal, un hommage à Hiéronymus BOSCH
Le Minotaure veille sur le Golem gisant face Aux Racines du Mal, un hommage à Hiéronymus BOSCH

Le Minotaure veille sur le Golem gisant face Aux Racines du Mal, un hommage à Hiéronymus BOSCH

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BOUSTROPHÉDON #9 : MARIE-MADELEINE LACOSTE / CHISTOPHE MASSÉ

La conscience trine de Boustrophédon
(d’après un poème de Victor Hugo et bien d’autres poèmes encore)

L’environnement humain au sein duquel Boustrophédon exerce ses pratiques poétiques est un espace composite extrait de la Communauté des ébranlés qui partage un même sentiment d’ébranlement du sens toujours à reconstruire et à sans cesse fabriquer.

L’ensemble des choses qui se trouvent à ses environs est le fait non seulement d’artistes et de poètes mais aussi de créatures saturées de références culturelles venues d’horizons fabuleux.

Des têtes ravagées de sinusites, des poitrines asphyxiées d’asthmes, des ventres secoués de nausées, des chairs emmaillotées de bandes écartelées, des plis et des replis à l’excès, des agglutinations de boyaux anastomosés, des tripes à l’air, des centaines de mètres de chambres à air, de caoutchouc recyclé, de flexibles de conserves et quelques tuyaux, composent Le Golem sans l’Aleph, Minotaure et Les Racines du mal, trois Sculptures élastiques posées, disposées, exposées à la manière d’une trinité dans le salon de musique.

Boustrophédon séjourne depuis des millénaires dans un pays où les sculptures invectivent les vivants et les morts : « Étends de ce côté la toile de la tente. Tu développeras l’enveloppe branlante », ordonne la grande forme humaine caoutchoutée allongée sur un socle, la tête relevée.

Cette figure de gisant réactive par son soulèvement la conscience du poète initié : « Espèce de momie...Tu me crois comme toi ressuscité des morts ? » répond notre Phédon entre blasphème et dévotion.

L’anatomie de « The Mummy » n’est pas charnelle, elle s’applique à l’organique de la matière pneumatique, au psychique d’un mythe pragois et au cinématographique d’un film de 1932 : « Oh ! Amon-Ra... Death is but the doorway to new life... We life again in mamy forms shall we return. »

La boule de tête, par exemple, fait aussi bien rouage que barrage à la résurrection. Le monstrueux en cours d’apparition déplace l’attention. Ce sont les lettres de l’alphabet cachées dans la boîte crânienne qui créent. La transmigration du Golem c’est le texte.

« Je suis trop près, dit Boustrophédon avec un tremblement.» Il ne voit pas la lettre A.

L'extase aux valves des yeux du Golem contemple le repliement du Minotaure sur son inassouvissement. L'Amour fou déborde des méandres du labyrinthe. La splendeur souterraine des soupapes à clapet tourne autour de deux mandibules et contourne deux tuyaux de bestialité.

« J’ai oublié comment placer le A au bon endroit ! » se turlupine Boustrophédon qui fixe sa cécité sur l’Aleph perdu sans voir pourquoi le monstre mi-homme mi taureau a survécu. Il ajoute, franchement perplexe : « Je vis l’Aleph, sous tous les angles, je vis sur l’Aleph la terre, et sur la terre, je vis mon visage et mes viscères... »

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Pourtant il ne les voit pas mais entend dans la lumière un air connu : « On my way. Be OK » Un Cocoon incongru s’ouvre au refrain nouveau venu.
L’animal fabuleux de la mythologie grecque opère sans rien faire la matière malléable d’une chanson dévoratrice. L’air produit une transmutation de la vision.
La bête puissamment sexuée reprend souffle après avoir beaucoup consommé. Les choses de la voracité ayant assez dominé, à ce point de satiété, il est urgent de recouvrer un pneuma adapté à une volupté tempérée.

Les bandes élastiques font la nique aux faux-semblants de la musique.

La fonctionnalité d’une chambre à air dégonflée récupère l’élasticité de la matière première sculptée. À mesure que le chœur de la trinité monte en puissance, les figures-caoutchouc contorsionnent leurs ombres partout.
Boustrophédon s’arrache la peau d’un pied et repart du bon pied sur l’asphalte brûlé. Trois sculptures élastiques assassinent la folie de l’horreur en chantant de cœur :

« Courage, estropié ! »
Ce trinôme d’hominidés n’exige pourtant aucun sacrifice expiatoire, son fonds naturaliste donne juste à la vie son pouvoir d’exister en
bon et en mauvais.

Quelque ait été le premier pas du petit lever d’une journée, hors de toutes convenances, la troisième sculpture élastique pousse Les racines du mal selon sa nature, à son rythme et dans sa tonalité. La Cour des miracles en guise d’oracle, ainsi en est-il du champ caoutchouté qui étire la mitoyenneté des murs d’une voisine préférée.
« Singulières correspondances* », l’adjectif pléonasme renforce l’extravagante singularité des relations de voisinage.
Nulle fatalité de naufrage dans ces liaisons plus ou moins dangereuses mais un regard d’enfant sur les mouvements en interaction d’êtres dits répugnants.

Boustrophédon cherchait d’où procédait le mal chez le mendiant, il le faisait par un faux raisonnement. Il se figurait des masses d’une grandeur démesurée alors qu’il suffisait de le penser à l’échelle humaine d’un espace triangulaire socialisé.
Ainsi, il se vit mort et ressuscité dans le corps d’un cul-de-jatte qui traînait ses viscères nœud de vipères sur des joints tire-rondelle en caoutchouc pour bocaux en verre.

Pendant ce temps de méditation, avec sa légendaire générosité, la trinité disait : « Couchons nous sur la terre et dormons. »

Boustrophédon ne dormant pas, songeait dans le salon. Ayant levé les yeux, au fond des cieux funèbres,
Il vit un œil, tout grand ouvert dans les ténèbres,
Et qui le regardait dans l’ombre fixement.

Note
« Singulières correspondances* » : référence à la participation de Christophe Massé à la manifestation éponyme dirigée par Daniel Leuwers en relation avec les rencontres de Manosque
http://correspondances-manosque.org/ http://correspondances-manosque.org/fiche_programme/7100-2/

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